Lettre ouverte à Annie Le Brun

Jean-Philippe Domecq                                                                         Paris, le 30 novembre 2018
à
Annie Le Brun
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« Il faut qu’une lettre soit ouverte ET fermée », n’a pas dit Marcel

Depuis la parution de votre livre sur l’art contemporain il y a quelques mois, beaucoup de simples lecteurs se sont étonnés que vous ayez cité sur ce sujet tous les auteurs, sauf moi dont pourtant ces auteurs et tous les commentateurs connaissent les livres et articles régulièrement réédités en poche depuis 1990 et récemment encore sous le titre Comédie de la Critique, trente ans d’art contemporain– ceci pour dire : vous ne pouvez les avoir ignorés. Vous les avez sciemment ignorés.
Je me suis tu sur votre attitude. Un auteur qui en est encore à penser qu’on pourrait faire preuve de la plus élémentaire honnêteté intellectuelle, est aussitôt interprété en termes socio-psychologisants de réussite, donc de ressentiment pour corollaire, aujourd’hui que domine la mercantilisation des esprits qu’à juste titre vous dénoncez, et qui se traduit par la concurrence libérale-ultra du chacun pour soi contre l’autre. Seulement voilà : vous avez été formée par le surréalisme ; moi aussi, sans nostalgie ; nous savons ce qu’André Breton notait de cette petite réussite-là. Passe encore, donc, que les mentalités culturelles, françaises particulièrement, donnent tête baisséedans le Spectacle des araignées dans un pot où l’ego-grégaire tire la couverture à soi ; mais vous…
Sachant qu’il est vain de lutter contre la mauvaise foi, sinon elle surenchérit avec cette fière inventivité mensongère qui donne vite la nausée, je n’ai aucune envie de subir la vôtre en réponse, d’avance elle indispose et je l’entends, vu ce que vous avez fait en toute morale d’acier. Je vous laisse à votre professionnalisme de la révolte.
Jean-Philippe Domecq