Feuilleton intellectuel Domecq, 3ème épisode : « Sollers à la rescousse » - Extrait de La situation des esprits (réed. Pocket) :

Pour ceux qui en sont encore à Houellebecq, voici ce qu'on pouvait discerner dès 2002 :

« Domecq : Mais, mon cher, vous n'avez pas compris : « Avec Houellebecq, la baise moisie a son poète »... vous explique l'inénarrable Sollers - toujours prêt à prendre les trains en marche, celui-là, de Mao à Messier, du marxisme-léninisme pur et dur au papisme et de Lacan à Balladur, et maintenant Houellebecq puisque « tout le monde en parle ». Ce qui confirme, s'il en était besoin, qu'à guetter le train du moment on est toujours en retard.

Naulleau : On a interviewé François Nourissier après que Michel Houellebecq n'eut pas obtenu le prix Goncourt. François Nourissier a répondu que sa déception était d'autant plus profonde que Houellebecq était en littérature « ce qui était apparu de plus surprenant et de plus brutal ces cinq dernières années ». Que vous inspirent cette phrase et le choix des adjectifs ?

Domecq : Oui, Houellebecq... faut-il en parler ? La question me paraît réglée quant à sa littérature. Vous l'avez d'ailleurs réglée dans votre livret, « Au secours, Houellebecq revient ! », sans lequel la vogue pro-Houellebecq aurait été encore plus démente l'automne dernier, et grâce auquel elle a commencé à se retourner, définitivement à mon sens, vous verrez, déjà j'entends ceux qui l'ont encensé commencer à dire que tant de battage « médiatique » - c'est eux qui le disent - autour de Houellebecq est un fléau et que c'est à se demander comment un tel phénomène a été possible... La capacité d'autoblanchiment est sans limites dans le milieu culturel, qui n'a besoin que de mots. (...) Mais bon, si la question de la qualité littéraire des romans et poèmes de Michel Houellebecq est réglée pour qui a le minimum de flair, cela laisse d'autant plus pendante la question de savoir pourquoi il a constitué le phénomène littéraire des dernières années. Or, je crois, là encore, comme pour nombre d'idoles actuelles de l'art contemporain, que la seule chose qui intéressera l'avenir - très marginalement, du reste, et juste pour le plaisir de sourire de l'humain -, c'est de comprendre pourquoi tant de gens ont donné tête baissée dans une littérature pareille. 
Car, enfin, côté roman, pourquoi est-ce « réglé » ? La seule force qu'il y a dans l'écriture de Michel Houellebecq réside dans sa façon de dire sèchement l'indigence : c'est un ton. Une platitude à distance. Par moments. Moments trop rares, et qui se sont raréfiés au fil de ses romans. Parce que l'auteur s'est laissé dominer par ce qu'il pense du monde actuel. II tient tellement à sortir ce qu'il en pense - et il en a gros sur le cœur, manifestement - que, du coup, ses idées s'interposent comme des barreaux de plus en plus épais et prennent le pas sur son regard. Malheureusement, ses idées relèvent du café du commerce idéologique.
Ses idées sur le sexe, d'abord. Libre à lui de n'y voir que moisissure et barbaque, mais de là à considérer qu'il dit la sexualité d'aujourd'hui, laissons cette étrange vue de l'esprit, ou cet aveu, à ceux qui le pensent. »

Aucun commentaire: