Disparition de Javier Marías


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Javier Marías, shakespearien d’aujourd’hui


L’œuvre de Javier Marías, écrivain et chroniqueur espagnol, pourrait être parente de celle de Shakespeare, tant elle rappelle le dramaturge anglais. Fin observateur des événements politiques et de leurs résonnances intimes et fort d’un humour grinçant, l’auteur explore, roman après roman, le thème de la trahison morale et politique.

Qu’écrirait Shakespeare aujourd’hui ? Ton visage demain de Javier Marías1. Ce titre, comme d’autres tirés de Shakespeare, nous engage dans la sensibilité de cet Espagnol. Son ironie anglicisée par sa formation et son enseignement à Oxford et aux États-Unis lui valurent sa première notoriété de traducteur (Tristram Shandy de Laurence Sterne et Le Miroir de la mer de Joseph Conrad). Conrad, qui fit de la métaphysique avec des histoires de comptoirs maritimes (souvenons-nous d’Au cœur des ténèbres que Coppola transposa au Vietnam dans Apocalypse Now), donne l’échelle du globe où se déploient les héros de Javier Marías, aussi bien espions que traducteurs mais toujours interlopes, sous les radars des frontières. Il faut y ajouter John le Carré et Ian Fleming, le créateur de James Bond étant une des fières références de Marías, qui n’ignore rien des secrets services et sévices d’État, ni des tortures des régimes à lunettes noires.


À vrai dire, nul romancier n’a aussi subtilement décrit comment l’ambiance politique informe nos vies privées. Dans Si rude soit le début, autre titre shakespearien, Javier Marías montre que lorsque l’Espagne des années 1980 choisit, non sans raison, de refermer la page traumatique de la guerre civile, les héritiers du franquisme restent en bonne place2. Mais alors le bilan de l’histoire met un signe égal entre victimes et bourreaux, et tout se retrouve insidieusement vicié, voué au désespérant à-quoi-bon. Pourquoi aurait-on alors plus confiance en la durée des sentiments ? Comment un couple peut-il encore croire en quelque fidélité que ce soit ? La faille dans le regard, le soupçon non pas inquisiteur mais mélancolique, traverse tout et tous dans les romans de Javier Marías. Son titre, Ton visage demain, le résume : aujourd’hui, je peux te faire confiance, mais qu’en sera-t-il demain ? Que sait-on jamais sur qui, même son plus proche ami ? La trahison morale et politique est le thème obsédant qui donne à Marías son style lancinant, comme on se cogne la tête quand on voit ce que les hommes sont capables de se faire les uns les autres en bafouant toute justice, toute bonne foi, tout engagement.


La littérature de Marías naît de la trahison subie par son père, qui a failli périr de la dénonciation de son compagnon de combat républicain opportunément devenu franquiste. Il s’en fallut de peu et le père de Marías dut se taire, sous la permanente menace de mort sur son foyer. Dans Ton visage demain, les détails font froid dans le dos de vérité historique : d’insupportables tortures politiques, d’une cruelle inventivité, jovialement perpétrées puis racontées à l’apéro entre notables, bien assis sur leur dictature bénie par l’Église de la mauvaise foi. Et régulièrement, comme en spirale, le narrateur interroge son sage de père, lui posant et reposant les questions : « Et tu n’as rien pu faire ? Et depuis tu ne lui as rien dit ? Tu n’es pas allé voir l’ami qui t’a exilé ? » Les réponses que lui donne le père, pétries par l’expérience de l’humanité, font du bien, au cœur même de notre révolte oppressée.

Sur le plan narratif, Marías a le génie de nous saisir, à proportion de la confiance que suscite son écriture, par sa sensibilité à la souffrance, qu’il ne peut laisser sans la rédimer. On est dans un réel où l’on voit enfin, si terrible soit ce que l’on doit voir : des « glands », comme il dit des cultivés vulgaires, ridiculisés dans de vastes toilettes de boîte de nuit londonienne ; des rockers sur le retour vomissant leur narcissisme ; ou tel homme d’emprise sur une femme obligé de subir, avachi sur un canapé, le revolver du narrateur droit dans les yeux. S’il satisfait notre désir de justice et de vengeance qui fait l’originel ressort du suspense, Marías est empli de sensibilité intelligente pour la fragile ampleur humaine. Ses portraits de femmes sont forts et singuliers : Berta Isla, l’héroïne de son dernier roman paru, a la liberté de la femme actuelle et voit son aimé et aimant époux moins qu’il faut pour que celui-ci revienne de ses missions d’espion dont elle ne doit rien savoir et tout craindre – sinon des visiteurs viendront, un briquet à essence à la main au-dessus du berceau de leur enfant3


En même temps, on rit beaucoup en lisant les romans de Javier Marías. Il a la caricature et l’arrogance formidables dès qu’il traite la vanité des vanités, qu’elles soient d’ambassade ou du milieu littéraire, du showbiz et des producteurs marrons, d’universitaires confits ou d’acteurs qui s’y croient. Il nous tient aussi par une ironie narrative à fort piquant. Ainsi peut-on dévoiler l’amorce de Demain dans la bataille pense à moi, où une fois que sa maîtresse a couché le gamin, l’amant l’enlace enfin, et elle lui meurt dans les bras4. Dans Comme les amours, la situation est cocasse où l’amante doit attendre, en jupe, de pouvoir récupérer ses sous-vêtements dans le salon où un visiteur égrillard rend une visite inopinée à l’amant5.

Sa truculence n’est pas moins libre lorsque cet écrivain, pourtant né dans le bain de la littérature, recadre les réputations littéraires qu’il estime usurpées. Dans Vies écrites, recueil de ses chroniques hebdomadaires dans El País, on lira avec bonheur son croquis du diaphane Rilke, cultivant les mondaines aussi pâmées que mécènes, comme par hasard6. Ou celui de Mishima qui, avec son hara-kiri, mit l’héroïsme paramilitaire ultranationaliste au service de l’exhibitionnisme, et légua à la postérité un portrait « artistico-musculaire pour puérils amateurs de sexe de calendrier ». Décidément, Javier Marías a l’humour de surplomb sur l’humaine condition autant que sur ceux qui la décrivent. Et son style a la beauté gutturale de la liberté sans illusion.



NOTES 


1.Javier Marías, Ton visage demain, 3 vol., trad. par Jean-Marie Saint-Lu, Paris, Gallimard, 2004, 2007 et 2010. Javier Marías vient de publier un nouveau roman, Tomás Nevinson, en Espagne.

2.J. Marías, Si rude soit le début, trad. par Marie-Odile Fortier-Masek, Paris, Gallimard, 2017.

3.J. Marías, Berta Isla, trad. par Marie-Odile Fortier-Masek, Paris, Gallimard, 2019.

4.J. Marías, Demain dans la bataille pense à moi, trad. par Alain Keruzoré, Paris, Rivages, 1996.

5.J. Marías, Comme les amours, trad. par Anne-Marie Geninet, Paris, Gallimard, 2013.

6.J. Marías, Vies écrites, trad. par Stéphanie Decante et Alain Keruzoré, Paris, Gallimard, 2019.


Jean-Philippe Domecq au « bord des mondes »

par Mikaël Faujour

Paru dans la revue Esprit, décembre 2021.


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Collaborateur de longue date d'Esprit, essayiste et romancier, Jean-Philippe Domecq révèle une facette méconnue de son travail, en exposant peintures et dessins à la galerie parisienne La Ralentie jusqu’au 16 décembre.

« Car ce que l'art présente, ce ne sont pas les Idées de la Raison, mais le Chaos, l'Abîme, le Sans Fond, à quoi il donne forme. Et par cette présentation, il est fenêtre sur le Chaos, il abolit l'assurance tranquillement stupide de notre vie quotidienne, il nous rappelle que nous vivons toujours au bord de l'Abîme – ce qui est le principal savoir d'un être autonome et qui ne l'empêche pas de vivre (…). »

Cornélius Castoriadis, La Montée de l'insignifiance, Les Carrefours du labyrinthe – 4

Entre 1971 et 1984, le jeune peintre Jean-Philippe Domecq réalise quelques expositions, personnelles et collectives – à Rennes, Strasbourg, Paris, en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, aux États-Unis. Puis, rideau ! Entré en littérature avec Robespierre, derniers temps, il se trouve « requis » par l'écriture. S'ensuivent livres, romans, essais et prises de position parfois polémiques (en particulier dans les années 1990, contre « l'Art du Contemporain », assumant avec de rares voix une critique fondatrice d'un art postmoderne performatif, verbeux et souvent complaisant) et son activité de peintre est mise sous l'étouffoir.

 

Clarifier l’image intérieure

Près de quarante livres après son premier roman, il redécouvre des dessins érotiques et des peintures oubliés. À quelques décennies de distance, elles lui apparaissent comme neuves à nouveau, d'une force intacte. Et sa faim de peindre s'en trouve ravivée. Retrouvant « cette amorce de haïku occidental (…) imprimé dans le catalogue d'une de [s]es expositions : "Au milieu du champ, un arbre légèrement incliné" » en 1981, il s'étonne et s'amuse de ce que l'instinct lui a fait peindre des arbres penchés : « (…) après avoir été entièrement absorbé par l'écriture de mes livres, au moment de reprendre les pinceaux à côté, ça repart exactement sur le même thème, sans le vouloir »1. L'histoire d'un homme – et, partant, l'œuvre d'un artiste, d'un écrivain – n'est-elle pas traversée, travaillée par les mêmes « pourquoi ? », lignes-forces qui structurent une existence, la modèlent du dedans ? Œuvrer est alors désépaissir le mystère, débrouiller l'obscur. C'est, peut-être encore cette méditation reconduite sans fin, consistant à clarifier l'image intérieure, effort qu'un regard extérieur croira obsessif.

La galerie La Ralentie, qui expose aujourd’hui Jean-Philippe Domecq, rend compte de ces continuités, desdites « lignes-forces » qui, courant sur près d'un demi-siècle, résonnent avec ses écrits. Ainsi, avec à l'esprit ces arbres tordus à l'ombre longue, reparcourant l'essai Qu'est-ce que la Métaphysique Fiction ? (Serge Safran Éditions, 2017), lit-on : « Les arbres et collines nous renvoient nos interrogations en boomerang car ils pourraient vivre sans nous qui ne le pouvons sans eux. Ils sont là seulement, nous ne les concernons pas, même quand nous leur portons atteinte, même quand nous les cultivons, parfois dans leur sens d'ailleurs, assez souvent même (…). Nous restons à contempler les lieux de la nature parce qu'ils nous remettent en place, place perdue, étrangère aux lieux, à ce monde, et c'est heureux, lucide. »

Retour à l'exposition. Accords de mauve, de rose, de jaune et rehauts de vert ; orange crépusculaire d'entre-deux-mondes, cerné de bleu nuit et de verts d'aurore boréale ; roses violacés : d'une variété de ton étrangère à la répétition, des falaises obliques et aiguës surplombent la plage (ou bien est-ce la mer ?) coiffées par un fouillis de ciel brossé avec énergie – et même ferveur. Des canapés, des fauteuils, seuls au milieu d'un espace indistinct, hors-temps, hors-lieu, et qui se délitent comme souvenir. Fermes cependant comme la vie matérielle, l'immédiatement vécu des sens – mais cernés par l'abîme, par un néant alentour que suggèrent les réserves (zones non peintes), laissant voir la toile nue. Échos peints de cette affirmation plusieurs fois écrite, de « ce qui fait homme : le savoir de la mort qui rend heureux, tragique, énergique, affolé, et souverain rieur si l'on sait que l'on sait qu'il n'y a pas de vie sans la mort, sans la mort dans la vie, ou qu'on peut être à tout instant pris de panique à la vue de ce néant promis. À la vue, oui, consciente » (Le Livre des jouissances, Agora, 2017).

 


Une facture empreinte d’urgence

Si les quelques peintures des années 1980, absolument remarquablesont une facture plus léchée, plus patiente, celle des plus récentes œuvres est empreinte d'une urgence. Les premières – étranges narrations suspendues où des personnages élégants au visage absent se tiennent coi ou en mouvement dans des intérieurs désolés aux tons austères – témoignent d'un imaginaire très cinématographique. Aussi fortes soient-elles, ce sont des œuvres de jeunesse, où se devine l'effort à faire coïncider l'image intérieure, onirique, fantastique, avec sa description – ce qui expliquerait la précision de certains détails, fauteuil, cravate, intérieur d'appartement, cette volonté de ne rien perdre, comme quiconque jetterait à la hâte toutes les images volatiles du rêve que l'éveil risque de dissiper. Mais les secondes, œuvres de maturité d'un écrivain accompli, d'un peintre mû par la seule nécessité intérieure, expriment autre chose, et emploient d'autres moyens : il n'est plus question de maîtrise, mais au contraire de lâcher-prise, plus question de technique, mais d'attention, de disponibilité à saisir au plus près le surgissement du « ça » (« (…) ça repart exactement sur le même thème  », écrivait-il). Et cette ouverture au dehors, à l'extérieur – le motif, disons – est nécessairement une exploration du dedans, du lointain intérieur, pour citer un Henri Michaux (référence qui d'ailleurs résonne à-propos avec le nom même de la galerie). Fixant l'attention sur l'objet – réellement extérieur, le motif, ou purement mental, la représentation – l'artiste peint sa situation même : liminaire, entre deux mondes (objectif/subjectif, extérieur/intérieur, réel/imaginaire), suggérant combien la vie repose sur le vide et n'existe que par conscience et opposition à cette béance, au néant si proche.

De la conscience de la précarité de la vie procède le désir d'une vie pleinement vécue… D'où l'amusant parti pris d'exposer en sous-sol, comme un « enfer », de très beaux dessins érotiques des années 1970. Images obscènes et précises, exécutées à l'encre de Chine d'une ligne agile et sans repentir, ludiques par leurs références à l'histoire de l'art – de Van Eyck à Velázquez ou Füssli – et sadiennement outrancières, ces dessins font justice à l'intrinsèque impudence des fantasmes et du désir. Les corps se cabrent, se tordent, se confondent et s'hybrident ; les sexes et les seins prennent démesure, prolifèrent et saturent l'espace ; et pour finir, les lignes des corps se déforment, se stylisent, se géométrisent et l'espace même se distord. Intitulée « Encorps », cette série dépasse de loin la gaudriole illustrée et s'avère une joyeuse et jouissive exploration de l'imaginaire fantasmatique. De la conscience de la mort à l'intensité de l'être-au-monde, l'exposition dit un parti-pris – un pari – tragique comme un grand « oui » à la vie.

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 Où en est l'absolu ?

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Où en est l’absolu ?... Les poètes Stefan Hertmans & Zéno Bianu répondent


« L’absolu » n’a pas l’air de préoccuper aujourd’hui, et encore moins dans cette période estivale Deux poètes pourtant tout à fait d’aujourd’hui nous démontrent qu’on ne s’en débarrasse pas si facilement, remarque Jean-Philippe Domecq emporté par cette « liberté dangereuse de dépasser tous les autres langages » : Stefan Hertmans va jusqu’au point où l’absolu fait taire, Zéno Bianu en sortant par le haut.  

Le sentiment de la montagne

L’ esprit préservé de l’Hôtel Richemond, le plus ancien de Chamonix Mont-Blanc ~ Singulars, août 2022

L’ esprit préservé de l’Hôtel Richemond, le plus ancien de Chamonix Mont-Blanc


Le tourisme fait retentir sur le globe son piétinement de sandales comme en Enfer, mais il reste des lieux en plein cœur de la foule où l’on peut voir cela du balcon du Temps, qui est le seul intérêt des vacances. Ainsi, en plein centre de la station de montagne la plus célèbre au monde, Chamonix, l’Hôtel Richemond dresse sa masse ancienne face à la chaîne mythique du Mont-Blanc, et vous y trouverez un esprit préservé qui apaisera le vôtre.

La faute à Rousseau !

Là-haut sur la montagne, par les sentiers, les silhouettes se suivent et se ressemblent jusqu’au pied des glaciers qui bientôt tombent, alors qu’autrefois elles étaient rares et c’était des montagnards ou des passionnés. Pendant des siècles l’humanité considéra la montagne comme un obstacle, jusqu’à ce que quelqu’un en décrive les ravissants effets sur notre point de vue, sur notre souffle, notre sentiment de l’existence.

Pleine lune sur le Mont blanc Photo Jean-Philippe Domecq

Ce quelqu’un, c’est Jean-Jacques Rousseau ( 1712-1778) qui, depuis son Valais natal, en vagabond qu’il fut avant de révolutionner la sensibilité, la philosophie de l’histoire, l’autopsychanalyse, la notation musicale, le contrat social, etc, traversa vingt-cinq fois les Alpes à pied. Sa Nouvelle Héloïse, best-seller d’alors, sa Profession de foi du Vicaire savoyard, ses Confessions, eurent un effet contagieux tant il est précis, sublime en toute expérience de cause lorsqu’il nous transporte de plus en plus haut ou au bord des précipices au mugissement des torrents.
Alors voilà, c’est la faute à Jean-Jacques si nous voyons désormais tant de couleurs fluos de tenues sportives sur fond d’âpres monts. Mais en même temps c’est beau, d’abord ses nouvelles couleurs que la modernité a apportées à notre sensibilité chromatique, et beau aussi que la démocratie ait remplacé l’aristocratie dans les Hautes Alpes.

...(suite du texte dans Singular's, août 2022)

 Karlovy Vary, onirique comme le cinéma 

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Karlovy Vary, villégiature thermale aussi cinématographique qu’onirique

Karlovy Vary, en Tchéquie doit beaucoup au cinéma, à son Festival international dont la 56e édition s’est achevée dans tout l’éclat qualitatif que son palmarès mérite, et à James Bond dont Casino Royale immortalise le décor. Cette grande ville d’eaux d’Europe classée par l’UNESCO au patrimoine mondial était bien faite pour le cinéma, constate sur place Jean-Philippe Domecq puisque ses vestiges de Bohème sont aussi oniriques que cet art. A découvrir absolument !

 Sur Toyen l'onirique, paru dans ESPRIT 

https://esprit.presse.fr/actualites/jean-philippe-domecq/toyen-le-signe-toujours-ascendant-44187


L’exposition du Musée d’Art moderne de Paris met en valeur l’ensemble de l’œuvre de Toyen et permet de retrouver la perspective surréaliste, qui persiste grâce à l’énergie de la révolte et du désir. 

On sort de cette exposition vivifié, si repris d’énergies qu’on en a même pour s’en étonner et se soupçonner de n’avoir fait qu’aimer retrouver une artiste qui nous a marqués comme le mouvement surréaliste a « changé la vie » grâce à la politique du poétique que reprochent à André Breton les « Grandes-Têtes-Molles » d’aujourd’hui… dirait Lautréamont. L’exposition, étoffée, alchimiquement composée, met en valeur, dans ses multiples variations et modes d’expression, l’ensemble de l’œuvre de Toyen comme jamais on ne l’avait vue, tout en restituant avec une exactitude de haut vol son contexte de correspondances qui manifestent la fameuse formule inaugurale du surréalisme : « Tout porte à croire qu’il existe un point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain que l’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point1. » En écho, Toyen écrivait en 1976 : « Dans la salle obscure de la vie, je regarde l’écran de mon cerveau2. » On retrouve donc avec Toyen la perspective surréaliste, qui ne se voulait pas seulement artistique et littéraire et s’avéra autrement existentielle que l’existentialisme, dont la mode inquiétait Breton rentrant des États-Unis après-guerre. Mais n’est-ce pas derrière nous ? Être dépassé ! Grande hantise du contemporain, obsédé d’être contemporain. L’objection à soi a du bon : l’œuvre de Toyen persiste à donner plus envie de vivre, penser et désirer que les créateurs contemporains se voulant absolument contemporains. Pourquoi et comment produit-elle ce persistant effet ?

D’abord, l’énergie qu’elle transmet est celle de la révolte, dont la singularité porte toujours au-delà de l’originalité personnelle – d’où la portée de l’œuvre qu’elle génère. En témoigne d’emblée son pseudonyme, choisi avec l’humour ténébreux du surréalisme : débarquant de Prague à Paris en 1925, Marie Čermínová, née en 1902, adopte le vocabulaire révolutionnaire et, croyant que « ci » n’est bon que pour les « ci-devant » aristocrates, elle ôte le « ci » de « citoyen ». Les nombreuses photographies de l’exposition le confirment : Toyen sera si Toyen que ses dégaines sont sans apprêt, telle qu’en elle-même elle se moque. Et tous ceux qui l’ont côtoyée au sein du groupe surréaliste et alentour expriment une sympathie spontanée en s’en souvenant, comme on peut le lire dans le substantiel catalogue et dans le témoignage du surréaliste Alain Joubert, republié pour l’occasion3. Elle a fait fi des exclusions qui, à bon escient presque toujours (Aragon, Dalí, Éluard, aux inféodations idéologiques indignes de la liberté critique), jalonnèrent l’aventure surréaliste. Du premier cercle à la dernière génération, tant Benjamin Péret que Jean-Jacques Lebel, Yves Tanguy et Konrad Klapheck lui vouent l’amitié qui s’enrichit des richesses de chacun. Elle est plus qu’un soutien pour ses compagnons tchèques, les poètes artistes Jindřich Štyrský, Karel Teige et Jindřich Heisler. Avec elle, ils traversèrent ce siècle d’exils et guerres, de persécutions nazies et staliniennes, en tenant toujours « le pas gagné » poétique, selon l’injonction de Rimbaud. Prenons pour exemple une série d’œuvres qui maintinrent le cap de l’imaginaire malgré tout, pendant la Seconde Guerre mondiale : encres, dessins et toiles que Toyen intitule d’une injonction à fonction dénonciatrice autant qu’exorciste : Cache-toi, guerre ! L’horreur est là, pas moindre d’être écorchée par la fantasmagorie, transmuée par l’imaginaire même de l’horreur, où les animaux, squelettes, dentitions désolent l’horizon sinistrement aplani par l’horreur réelle. « Et pourtant, écrit André Breton en 1953, les inquiétants bois flottés, nids déserts, cageots vides vont bientôt disparaître4. »

L’élan demeure, parce que la révolte vient du désir. C’est l’autre énergie que libère Toyen en arpentant ses nouveaux espaces, avec la même intensité jusqu’à son dernier souffle en 1980. Jeune femme farouchement indépendante, elle en avait de toute façon le goût, la gourmandise, du désir. L’exposition nous révèle les carnets des années 1924-1925, où elle allait droit aux faits et gestes sexuels avec une jovialité pornographique qui n’est pas encore l’élaboration érotique qu’ensuite, elle conjuguera génialement avec l’onirisme de la chose. C’est qu’André Breton la guidera vers ce qu’il demande à toute création, par l’image ou les mots : qu’elle soit placée sous « le signe ascendant ». Formule qui n’a rien de moraliste, au contraire : en toute connaissance de nos ténèbres ou des « malheurs de la vertu » sadiens, que Toyen a vigoureusement illustrés, la pente ascendante les mène aux libertés du « nouveau monde amoureux » de Charles Fourier que chacun et chacune porte en soi et qui sortiraient notre époque du « glauquisme », fortement descendant, lui.

Breton est ébloui par le territoire que découvre Toyen, une fois qu’elle a intériorisé la transmutation que galvanise le surréalisme. Alors, sa peinture dévoile la trame du voile, comme nos intenses moments en plein quotidien prennent l’amplitude nuancée des sensations que nous avons en rêve. Les titres des toiles, à partir de l’après-guerre et splendidement dans les années 1950, sont hypnotiques : Le paraventLa nuit roule des crisOn entend de loin le bruit de pasLa belle ouvreuse, du cycle « Les Sept épées hors du fourreau ». Laissons à Breton les pointillés vers les vertiges de vivre : « Ici se mesurent les forces de la mort et de l’amour ; la plus irrésistible échappée se cherche de toutes parts sous le magma des feuilles virées au noir et des ailes détruites, afin que la nature et l’esprit se rénovent par le plus luxueux des sacrifices, celui que pour naître exige le printemps5. »

 

  • 1. André Breton, Second Manifeste du surréalisme [1930], dans Manifestes du surréalisme, Paris, Gallimard, 1971, p. 76-77)
  • 2. Toyen, dans l’ouvrage collectif, Objets d’identité, Paris, Éditions Maintenant, 1976, cité par Annie Le Brun, « Toyen ou l’insurrection lyrique », dans Un espace inobjectif. Entre les mots et les images, Paris, Gallimard, 2019, p. 134
  • 3. Toyen, l’écart absolu, Paris, Éditions Paris Musées, 2022 ; Alain Joubert, Toyen, petits faits et gestes d’une grande dame, Paris, Ab irato, 2022
  • 4. André Breton, Le surréalisme et la peinture, Paris, Gallimard, 1965, p. 212-213
  • 5. André Breton, à propos d’Endre Rozsda en 1957, dans Le surréalisme et la peintureop. cit.

 "Philip Roth, chaud malin, malin à demi", paru dans Marianne, 24 mai 2022

https://www.marianne.net/culture/litterature/1979-1991-les-grandes-annees-de-philip-roth-celebrees-dans-la-pleiade 

1979-1991 : les grandes années de Philip Roth, célébrées dans la Pléiade

Par Jean-Philippe Domecq

L'auteur américain disparu en 2018 n’eut jamais le Nobel, mais le voici célébré dans la Pléiade. Trop leste et imprévisible pour la bienpensance académique, ce fut un brillant romancier – qu'on redécouvre ici au sommet de son art littéraire, caustique à souhait.

Tout un chacun ayant les défauts de ses qualités, on a encore la liberté d’en prendre et d’en laisser chez un grand écrivain. Ainsi, ce n’est pas faire injure à Philip Roth que de ressentir, en le lisant, qu’il est un romancier à la fois vampire et énergique ; telle est la rançon et la force quand on s’est voulu, comme lui, foncièrement provocateur. Un provocateur d’autant plus ravageur qu’il est très intelligent, sur lui-même et sur son temps.

En ce sens, il est – tout comme John Updike, son contemporain auteur de Couples, chef d’œuvre historico-sexuel des sixties – de ces révoltés de l’époque radieuse où les Etats-Unis et l’Europe ont pu tout contester, en live, livres, concerts et films, et tout consumer parce que tout se consommait. Philip Roth exprime une génération qui n’a jamais vraiment vieilli parce que, d’emblée, grâce à la reconstruction morale et économique opérée par ses aînés après-guerre, la jeunesse eut tout pour exploser par tous les pores d’une libération tous azimuts.


TANTÔT ENCHAÎNÉ, TANTÔT DÉCHAÎNÉ

Ainsi pourrait-on dire que son Théâtre de Sabbath développe en roman le titre situationniste de Raoul Vaneigem qui poussa les feux de mai 68 : « Manuel de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations » – générations qui le restèrent ensuite, tant l’énergie sexuelle arme la contestation générale et le passage au tamis de tout ce dont on hérite. Sabbath en tête, les héros de Philip Roth ne baissent jamais pavillon contre l’idéologie dominante et râlent jusqu’au dernier souffle – qui reste jovial, torturé mais gueulant d’un gai savoir lubrique.


Ça fait de l’effet de voir une visiteuse, nue, entamer la conversation en s’asseyant sur le visage masculin, comme ça, au naturel. Il y a comme ça moult figures philosophiques dans les romans de Roth, qui font de la vie une leste mais permanente conversation. Là, c’est au menu de La Leçon d’anatomie, un des romans de la saga Zuckerman, tantôt « enchaîné », tantôt « déchainé » (référence à l’Orlando d'Ariosto, mais chez Roth, les nombreux auteurs cités ne le sont jamais de façon snob).

A LIRE AUSSI: Donnez le prix Nobel à Philip Roth !

Nathan Zuckerman, fameux double de Philip Roth en écrivain qui s’interroge sur ce que c’est qu’être écrivain, cette fois n’en peut plus : aucune crudité féminine ne l’inspire, il est affligé d’un mal mystérieux qui bloque son anatomie de l’intérieur, et qu’il interprète comme symptôme de son impasse littéraire. Il décide de cesser d’écrire pour, à quarante ans et en plein succès polémique de ses best-sellers, entreprendre des études de médecine. En se consacrant à un dur labeur à étreindre, tête baissée au service d’autrui, il en finira avec son narcissisme torturé… croit-il.


PSYCHANALYSE RÉUSSIE...

Torturé, il est vrai que Roth et son double le sont par l’après-Auschwitz subi par les parents, par l’éternelle condition juive dont Roth fait la comédie du pire comme son contemporain newyorkais Woody Allen ; torturé aussi par le nouvel intellectualisme répandu sur les campus universitaires ; torturé par la psychanalyse.

De là vient la structure particulièrement juste de ses romans qui renouvellent le réalisme intérieur par la conversation perpétuelle que ses personnages, et nous avec, ont avec eux-mêmes. Il est vrai que nous sommes menacés de nous coincer comme des poupées russes, dans une infinie mise en abyme de soi, dès que nous commençons à nous remettre en question. Lire Roth, c’est retrouver et pousser le mécanisme d’autopsychanalyse à perpétuité, et c’est fort pertinent puisqu’il n’y a de psychanalyse réussie que constamment reconduite par soi, après et sans psy.

En outre, et mieux : Roth, dans ses meilleurs livres, n’arrête pas cette dynamique au seul « moi ». Le chef d’œuvre qu’est La Contrevie (quel titre là encore !) parvient à incarner les différentes postulations et infinies perplexités de la condition juive dans le monde contemporain, de Bâle en Judée en passant par les airs où un terroriste israélien demande en ricanant aux passagers « pourquoi ne serions-nous pas aussi salauds que vous ?... ».

On comprend d’autant mieux la plaisanterie que dans la partie anglaise de La Contrevie, une lady fait remarquer au serveur qu’elle est incommodée par la présence d’un client juif dans la salle de restaurant – et là, avec le héros, qu’est-ce qu’on fait… ? Le lecteur, quel qu’il soit, est atteint, déchiré, entre révolte et consternation.


EN GRÈVE CONTRE LA VIE

Roth est aussi fin témoin politique qui, dans L’Orgie de Prague, sait camper l’état d’esprit des Pragois sous le gris de fer soviétique à la Brejnev, du temps où la paranoïa filait la plaisanterie, titrait son ami Milan Kundera : « Ecoute, Blecha, je vais me suivre, je vais m’espionner et rédiger des rapports sur moi-même ». Et ceci : « Avant le procès ils m’ont relâché. C’était trop ridicule, même pour eux. » L’humour faisait bonne figure en « Soviétie » mais dans les rues on ne voyait que « des visages qu’on dirait en grève contre la vie » ; cette observation littéraire signe tout un régime.

On est plus sceptique à propos du versant sentimental de l’œuvre romanesque de Roth. Ses héros, toujours le même à vrai dire, cherchent les femmes pour chercher matière à écrire. Ecrire ouvre certes la vie et l’assimile, sinon à quoi bon écrire ou lire, n’est-ce pas ? Mais, dans le cas de Roth, c’est plutôt vivre pour écrire. Et son pluriel « les femmes » est vampirique plutôt qu’autre chose.

On est loin d’Henry Miller : lui c’était sexe, pas sec. Roth en est conscient et le fait dire à Zuckerman qui dresse un bilan sans concessions de l’autobiographie qu’un écrivain nommé « Roth » a tenu à intituler Les Faits « A mesure que les gens entrent dans ta vie, tu te dis : "A quoi va-t-il servir, celui-là ? Qu’est-ce qu’il va fournir comme ingrédient pour un livre ?" Alors bon, c’est peut-être la différence entre une vie d’écrivain et une vie ordinaire. »


MONOLOGUES INTÉRIEURS

Eh bien non, c’est l’écrivain qui est ordinaire s’il a besoin de se servir d’autrui comme on se sert à table ; s’il a besoin de marivaudages cérébraux pour pimenter son existence, c’est qu’il croit que la passion c’est mieux, ça donne du relief ; le cliché sentimental du compliqué pour le compliqué signe l’intelligence desséchée dans la littérature comme dans la vie ; mieux vaut avoir l’imagination de l’intelligence quand on écrit.

Chez Roth, le désir baladeur devient souvent prétexte, parce qu’il résulte d’un vampirisme psychologisant. Cela n’empêche pas de belles cabrioles littéraires, dont Tromperie constitue une performance, entièrement en dialogues entre l’écrivain, sa maîtresse londonienne, et « les femmes » de sa vie.

Arnaud Desplechin en a récemment tiré un film d’une inventivité remarquable, traquant les visages et les souffles en plans larges selon une scénographie qui va bien au-delà du théâtre filmé. Ce qui résumerait assez toute l’œuvre de Philip Roth finalement : « un monologue intérieur polygonal où des voix flottent, s’interrogent, se répondent dans le clair-obscur des mouvements intimes de l’esprit, de la mémoire et de l’imagination d’un maître insaisissable et insituable des échanges », conclut en toute compréhension interne Philippe Jaworski, maître d’œuvre de ce nouveau volume Pléiade consacré à l’auteur américain.

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La Russie poutinienne filmée en 2016 : paru dans Positif


L’anti-«Idiot» de Dostoïevski :

Le Disciple, de Kirill Serebrennikov


Ce film de Kirill Serebrennikov est une réussite éprouvante : il parvient à nous révolter contre la plus imbécile des révoltes, le fanatisme religieux, dont on a pourtant fait le tour ici depuis Voltaire. Avec sa Bible pour verbatim qu’il cite pour toute réponse et en toute situation, Veniamin, jeune fanatique chrétien dans la Russie d’aujourd’hui, n’est que révolte contre tout ce qui le plaisir de vivre par les sens et la connaissance. Ce n’est hélas pas un hasard historique si cette œuvre nous sert à nouveaux frais le phénomène dans sa sempiternelle actualité. Sempiternelle car Le Disciple nous montre de quoi se nourrit et pourrit le totalitarisme religieux qui, infusant sa contagion avec redoutable et maligne ruse, rameute les illusions traditionnalistes, jusqu’à la déviation antisémite. Par sa théâtralité aussi vivement scandée qu’incarnée, ce film qui décrit comment le refoulement fanatique prend une tête et les autres et les corps, fonctionne comme un alarmant rappel, à l’heure où nos aspirations à l’équité et à la libération socioéconomiques, qui constituaient le nouvel horizon du progressisme politique, se trouvent freinées par le combat, nécessaire mais d’arrière-garde, contre le narcissique héroïsme religieux.

Dès le début du film, le refoulement est là. On sait, ou devrait se souvenir que la plupart des croyances et vocations ne résisteraient pas à une bonne petite psychanalyse, tant leur racine est psychologique sous alibi métaphysique, et obsession du sexe non vécu. Celle-ci, a-t-on tendance à croire, résulterait de l’interdit religieux ; c’est le contraire, la poussée sexuelle a créé son interdit religieux et probablement toute religion. Par peur de cette sève sexuelle, les religieux veulent priver le monde entier du plaisir dont seule la peur nous prive. Le Disciple le montre avec une puissance ravageuse et, a contrario, tonique. Cet adolescent bien fait et plein d’énergie (magistralement interprété par le jeune Petr Skvortsov), a les yeux dardés sur les corps des filles de sa classe, lui qui se vante de n’avoir jamais d’« érections incontrôlables ». Sa mère, paumée et ulcérée par les problèmes et convocations en conseils de discipline que lui valent les rébellions scolaires de son fils, a encore assez de bon sens pour lui répondre qu’il a « bien tort de se retenir ». Moyennant quoi, le premier putsch pédagogique que va réussir son fils aura lieu entre la piscine et le bureau de la directrice d’établissement : dorénavant le bikini sera interdit et le une-pièce obligatoire. Or, comment s’est comporté Veniamin à la piscine ? La caméra restitue par micro-séquences le flash que ça lui fait de voir les formes de ses jolies camarades en maillot ; il accepte certes de se jeter à l’eau, tout habillé façon burkini masculin, mais que fait-il dans l’eau, nage-t-il « sainement » en « vertu » de « la pureté » pour évacuer l’énergie selon lui démoniaque ? Non, il plonge bien profond pour regarder d’en dessous les cuisses des nageuses s’ouvrir et se fermer.

La professeure de biologie a-t-elle le malheur laïque de faire son cours d’éducation sexuelle, avec carottes et capotes pour prémunir ces jeunes qui manifestement en ont vu et fait d’autres ? Veniamin se défringue et s’exhibe sur les tables et le bureau en déversant ses anathèmes contre le péché de chair. C’est sa deuxième opération réussie : le tapage est tel que la directrice et la sous-directrice accourent et font la leçon à…l’enseignante. Tout plutôt que le désordre. Mine de rien, sous couvert de versets bibliques puant en effet la barbarie, le refoulé s’est livré à l’exhibitionnisme inconscient. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à une fille de sa classe qui, alléchée, viendra en intercours provoquer le timbré, ventre à ventre, et, comme elle est d’une beauté et d’une liberté de mœurs émoustillantes, il se récrie d’autant plus qu’il est au bord d’y passer.

Après l’exhibitionnisme, l’homosexualité non assumée. En bon Saint Paul recruteur, le fana-militant a repéré le boiteux qu’évidemment la classe maltraite en bande à la sortie des cours. Il fera de lui son disciple, lequel, démuni, complexé, l’adore, au point d’accepter de commettre un attentat contre le seul être qui dans l’établissement résiste, la prof de biologie. Ce n’est pas humanité ni charité si au dernier moment ils ne passent pas à l’acte ; c’est juste que le disciple a manifesté un désir homosexuel. Que l’autre n’a pas vu venir, mais suscité jusque dans ses massages prétendument miraculeux contre l’infirmité du boiteux. L’inconscient a décidément bon dos pour l’amour de Dieu.

L’appétit de savoir étant, avec l’appétit des sens, l’autre raison de vivre, cette micro guerre sainte va culminer lorsque le héros se déguise en grand singe pour protester contre l’enseignement de la théorie darwinienne de l’évolution. Ici encore, le totalitarisme, qu’il soit nazi, stalinien ou religieux, a la même stratégie éprouvée de harcèlement : provoquer le désordre pour rendre impraticable l’ordre existant, jusqu’à ce que les autorités obtempèrent, aggravant l’ordre en tyrannie, pour avoir la paix à tout prix. L’acmé de cette stratégie bien répertoriée par l’Histoire est atteinte lors du conseil d’établissement quand le jeune rebelle ment (au nom de la foi) en accusant d’attouchements la prof de biologie, qu’il a dans le collimateur puisqu’elle est la seule à résister en enseignant la raison, le savoir et la science. Et, comme elle persiste dans ces valeurs, le fanatique sort la bonne vieille saloperie de fonds chrétien : ne serait-elle pas juive ?... C’est le point d’horreur froide du film : on les voit tous, un à un, collègues et même l’amant prof de gym, la laisser se débattre puis lui signifier qu’on « comprend qu’elle soit sensible à cette question »…

Pour tout cela et bien des corolaires qui vont avec, la dramaturgie du Disciple nous montre un idiot à l’opposé de L’Idiot par qui Dostoïevski expérimenta en roman ce qu’il adviendrait du Christ s’il délivrait son message plusieurs siècles après qu’il le fit. Son Prince Mychkine a le décalage, l’idiotie géniale de qui voit mieux que le manège auquel se livrent les hommes en société ; il a donc la tolérance plus mûre que toute maturité d’adultes. L’idiot que Kirill Serebrennikov a filmé après l’avoir mis en scène théâtrale à partir de la pièce de Marius von Mayenburg, n’est pas mûr, mais muré : lui incarne le ressentiment que Nietzsche a fielleusement vu dans le Christ, les Juifs et tous les révoltés dans l’Histoire (n’oublions pas que Nietzsche rabat révolte sur ressentiment alors qu’il a entre autres la Révolution française derrière lui, ou la révolte des esclaves menée par Spartacus et celles des Noirs, etc, etc). Le cinéaste inscrit l’intrigue du Disciple dans la Russie poutinienne contemporaine qui, comme toujours en Russie, prend exemple d’en haut : on baise au sens vulgaire du terme, on arnaque les autres en ce moment à la tête de l’Etat, des régions, des conglomérats industriels et dans tous les rouages de la police et de la justice russes. Or, le film montre que l’Eglise orthodoxe bénit le tout de ses torchons pamphlétaires allant de pair avec les oukazes politiques et économiques. C’est ce que Poutine nomme « la Verticale du haut ». Voilà bien de la transcendance, et la nouvelle version de l’autocratie, après la tsariste et la stalinienne. C’est le modèle « vertueux » de civilisation eurasienne que les nouveaux idéologues russes opposent à la décadence libidinale de l’Occident. Ce film, décidément, nous confirme les périls.

Positif n°669, novembre 2016

 Genet, il n'y a qu'en France... (paru dans ESPRIT, nov. 2021)

https://esprit.presse.fr/actualite-des-livres/esprit/jean-genet-une-notoriete-francaise-43634

Jean Genet, une notoriété française

par

Jean-Philippe Domecq

NOVEMBRE 2021 #Livres

La publication des romans et poèmes de Jean Genet dans la Bibliothèque de la Pléiade invite à s’interroger sur son esthétique, tant célébrée en France. Fondée sur une éthique de la subversion et du renversement, elle pêche parfois par simplisme, lorsqu’elle se contente d’être un négatif des valeurs bourgeoises.

« À la France m’attache seul mon amour de la langue française, mais alors ! » note Jean Genet dans son Journal du voleur (1949). Tout est là, mais pas uniquement au sens où Genet le croit. D’une part, et il a raison, la « poésie » qu’il revendique dans ses romans et poèmes fait de lui l’un des écrivains ayant tiré le meilleur parti de cette langue. Comme Céline et Proust, qui ont fort bien lu Saint-Simon, Genet a l’ample liberté d’enveloppement, la souple scansion syncopée de contrepoints, et l’audace d’accoupler élégance et inavouable en fourrant sa phrase de pépites de crudité bien à lui, puisées dans la sexualité et dans l’univers des voleurs, des criminels et des traîtres qu’il admire plus que tous.

Et cela nous amène à ce qu’il ne croit pas si bien dire lorsqu’il voue la France aux gémonies, sauf pour sa littérature : il n’y a qu’en France qu’une telle œuvre pouvait être si vite célébrée. En dix ans, Cocteau et Sartre font de Genet la coqueluche littéraire de Paris, au point qu’André Malraux, en 1966 – et c’est une image de courage culturel – se retrouve en tant que ministre des Affaires culturelles à défendre la représentation théâtrale des Paravents face à la majorité parlementaire, scandalisée par cette pièce qui conspue et conchie les soldats français en Algérie. L’intelligentsia battit des mains ; de même, Aragon et encore Sartre avaient vu dans Voyage au bout de la nuit un livre « communiste », comme n’a pas manqué d’en glousser Céline lorsqu’il devra répondre de ses pamphlets antisémites, où son style peut certes sembler une autoparodie parce qu’il jubile idéologiquement, mais c’est la même « musique » que dans ses romans.

Dans le cas de Genet, c’est sur le plan de sa poétique justement que l’on pourrait reconsidérer la place qu’a pu lui faire une certaine tradition française du style qui sauve tout. Lui-même d’ailleurs en fut encombré et connut une crise morale, au point de brûler son travail en cours, après la parution en 1952 de l’essai de Jean-Paul Sartre, Saint Genet, comédien et martyr. On comprend que Sartre intégrait la trajectoire de Genet à sa problématique de la liberté. Mais quelle liberté ? Et quelle poétique ? Cette dernière se fonde sur une éthique fièrement répétée, comme le fait Genet dans le Journal du voleur en vertu de son raisonnement en symétrie inverse : « Abandonné par ma famille, il me semblait déjà naturel d’aggraver cela par l’amour des garçons et cet amour par le vol, et le vol par le crime ou la complaisance au crime. Ainsi refusai-je décidément un monde qui m’avait refusé. » « Aggraver par l’amour des garçons », autrement dit l’homosexualité, serait l’égal de ce par quoi il « l’aggrave » par le vol ? Et celui-ci encore par le crime ? Dommage, car, dès Notre-Dame-des-Fleurs (1942) jusqu’à Querelle de Brest (1947, qui donna lieu en 1982 à la superbe transposition cinématographique de Rainer Werner Fassbinder, Querelle), Genet rend la sensualité homosexuelle sensible à quiconque même ne la partage pas. De même, son art du portrait des « tantes » et des « gouapes », ainsi l’apparition de Divine dans un café de Montmartre : « Elle déposa la fraîcheur du scandale […] et l’étonnante douceur d’un bruit de sandale sur la pierre du temple, elle fit se tourner les têtes qui devinrent légères tout à coup (des têtes folles), têtes des banquiers, commerçants, gigolos pour dames, garçons, gérants, colonels, épouvantails. Elle était vêtue ce soir-là d’une chemisette de soie champagne, d’un pantalon bleu volé à un matelot et de sandales de cuir. À l’un quelconque de ses doigts, mais plutôt à l’auriculaire, une pierre comme un ulcère la gangrenait. »

Mais Genet tombe logiquement dans l’épaisse bêtise inhérente au moralisme à l’envers. Les deux auteurs de la préface, Emmanuelle Lambert et Gilles Philippe, remarquable duo d’acuité littéraire, à qui il faut associer Albert Dichy pour cette édition dans la « Bibliothèque de la Pléiade », ne cachent pas jusqu’où cela a pu mener : « On pourra dire que c’est ici la base esthétique de Pompes funèbres et que c’est n’y rien comprendre que de s’offusquer du pire : “L’officier allemand qui commanda le carnage d’Oradour a fait ce qu’il a pu – beaucoup – pour la poésie.” Sartre, qui ne cessa de revenir sur le lien que Genet établit entre mal et poésie, préféra ignorer le passage et s’en sortit à bon compte : tout serait faux chez Genet, et la question de la sincérité devrait être suspendue. »

La poésie est pourtant aussi têtue que les faits : ce que Genet appelle sa « sainteté » est un monde d’inversion pure et simpliste qui, contre la société « bourgeoise » et certes hypocrite, dresse la féodalité interlope et la hiérarchie légionnaire. Quant au vol, il n’aime rien tant que de voler les mendiants et les pauvres. Passons sur ses récurrentes extases pour la délation, et voyons la littérature comme source de connaissance, quand elle nous apprend qu’il y a des gens qui, comme Genet, repèrent à l’avance dans la rue ceux qui ont « un regard de volé », ce dont il jouit plus d’une fois. Sartre n’a pas vu là une magistrale figure de ce qu’il nomme « le salaud » dans sa philosophie de la responsabilité.

Mais, puisqu’il ne faudrait s’en tenir qu’à « la langue » et à la « petite musique », prenons les deux noyaux poétiques qui polarisent d’entrée le Journal du voleur. L’un est fort, d’enjeu : « Les jeux érotiques découvrent un monde innommable que révèle le langage nocturne des amants. Un tel langage ne s’écrit pas. On le chuchote la nuit à l’oreille, d’une voix rauque. À l’aube, on l’oublie. » Genet saura l’écrire. Mais, tout au long de son œuvre, il veut à tout prix fleurir, et cela donne, juste à côté : « Il existe un étroit rapport entre les fleurs et les bagnards. La fragilité, la délicatesse des premières sont de même nature que la brutale insensibilité des autres. » Sans le vouloir, Genet nous apprend qu’on peut parler de métaphore stupide, par inadéquation foncière et schématisme, surtout quand elle est filée, enfilée tant et plus au long d’une œuvre. Et à la phrase suivante, Genet, dans sa borne rageuse, sort involontairement sa conception du style : « Que j’aie à représenter un forçat – ou un criminel – je le parerai de tant de fleurs que lui-même disparaissant sous elles en deviendra une autre, géante, nouvelle. » « Disparaissant » ? Il ne peut mieux dire qu’il fait le beau pour dissimuler, au lieu que le style révèle quand il est fort et fin.

Romans et poèmes
Jean Genet
Édition d’Emmanuelle Lambert et Gilles Philippe, avec la collaboration d’Albert Dichy, "La Pléiade", Gallimard, 2021

 L'humanité est paranoïaque, preuves par : Dieu, le complotisme, Kennedy...


Paru dans POSITIF décembre 2021 :

JFK, l’enquête,  d’Oliver Stone

Une sidération qui n’en finit pas

JFK, l’enquête : c’était déjà le ressort palpitant d’enquête politico-policière de JFK, la version filmée qu’Oliver Stone avait tournée en 1991, mais on comprend qu’il y revienne trente ans plus tard, sous forme documentaire cette fois. Car nous tous, depuis le 22 novembre 1963, nous avons beau avoir vu, revu et revoir les séquences de l’assassinat du Président John Fitzgerald Kennedy, puis le surlendemain, à peine moins incroyable, en plein journal télévisé, une silhouette de gangster à chapeau, Jack Ruby, flinguant Lee Harvey Oswald tuméfié qui s’effondre sur le mystère de ses motivations et de sa performance de tireur, eh bien on a encore du mal à y croire. C’est bien pourquoi, pour résorber cette sidération, qu’ont fleuri les théories du complot entre Mafia, FBI, CIA, racistes sudistes espions de la Guerre Froide, et pourquoi pas le vice-président et successeur, Lyndon Johnson. La paranoïa, on le sait, présente le formidable avantage de satisfaire notre légitime besoin de comprendre, mais à bon compte, en reliant quatre lettres de l’alphabet sur vingt-six pour à tout prix nous ficeler une cohérence qui colmate et rassure. Avec dans le cas du 22 novembre 63 une efficacité plus grande encore que la paranoïa qui a fait le succès des religions monothéistes : car si l’invention de « Dieu » comme cause unitaire et cachée expliquant tout confirme que l’humanité est paranoïaque, cette fois le Dieu caché fut horizontal, télévisé, sous nos yeux et cadré idéalement : le Président américain accoudé à la Lincoln sourit à la foule de Dallas, il fait plein soleil sur la carrosserie noire et luisante, Jackie est en robe rose pour qu’on voit mieux le sang après quand soudain la Lincoln accélère que les caméras suivent et cadrent bien. Quant à l’assassinat du présumé meurtrier c’est également en direct, avec le bougé de caméra qui fait on ne peut plus réaliste et est réel. La cause de tout cela est au cœur de l’image. Et c’est là que notre scepticisme à l’égard du complotisme qui nous semblait animer Oliver Stone en prend un coup. Car de deux choses l’une, pour assimiler la sidération mondiale et individuelle : soit on explique l’activation de la démarche paranoïde et la ventilation d’enquêtes serrées qu’elle affole, par ce que nous avons bel et bien vu : il est et reste et restera à jamais incroyable qu’à une telle distance, mieux qu’en tout western ou polar, un tireur ait pu, en deux tirs sur trois, atteindre imparablement la silhouette présidentielle en mouvement automobile ; incroyable qu’une balle qui lui a traversé la poitrine ait ensuite atteint sur le siège avant le gouverneur du Texas, John Bowden Connally, lui soit ressortie par la manche et le doigt, et continué son parcours. Il faut donc admettre que l’incroyable est vrai. Et puis tout de même, Oliver Stone à force de tourner en cinéaste autour du fait, nous montre quelque chose que notre méfiance pour toute théorie de manipulation a gommé sous nos yeux. C’est que, lorsque la voiture présidentielle accélère et que ça commence à hurler de partout, la tête abattue de John Fitzgerald Kennedy a un hoquet en arrière qui ne s’explique peut-être pas seulement par l’accélération, puisque Jackie à ce moment se précipite sans glisser sur le long capot arrière pour saisir, horreur, des morceaux de cervelle de son mari. Comme s’il y avait bel et bien eu le fameux troisième tir venu de devant et de la foule. Alors on rembobine l’événement , comme Oliver Stone et tous ceux qui, méthodiquement, ont rouvert le rapport Warren et l’enquête. On se tourne vers l’autopsie et la balistique, susceptibles d’indiquer le trajet des balles. Or, et d’abord, l’autopsie du crâne a été expéditive. Etrangement ? Là encore notre méfiance à l’égard de la systématique méfiance paranoïaque nous servait une explication qui s’accorde avec tout processus de sidération : dans une telle tension événementielle, les hommes n’agissent pas avec la méthode des journalistes et spécialistes après coup. Oui mais, et la roue interprétative repart dans l’autre sens, paranoïaque sans l’être si ça se trouve : des médecins légistes, des militaires, des officiels ont tout à tour fait état de versions escamotées, d’observations effacées, de consignes surtout qui ont muselé, et muselé longtemps… jusqu’à nos jours ! Car aujourd’hui, cette hypothèse du deuxième tireur semble s’imposer comme la plus plausible. Or on ne l’a toujours pas retrouvé, et ne le retrouvera jamais. Autrement dit, le premier événement médiatique mondialisé en direct, concernant la mort de l’homme le plus puissant du monde, visionné par des milliards d’humains en télémétrie et décortiqué par des milliers d’articles et d’ouvrages, contient son dieu caché comme acteur, certes politique et non religieux mais cela ne rend pas ce point aveugle moins fascinant, au contraire.

Dès lors, Oliver Stone déroule son film sur le tempo même de notre interrogation sans cesse avivée car troublée, déplacée. Assurément le rythme est la donnée esthétique la plus forte de l’œuvre de Stone, outre son sens de l’épique, qui lui fait révéler le relief en pleine contingence. Son film Nixon (1995) en est l’acmé : Stone a su montrer que Richard Nixon, sur qui ses parents reportent leurs maigres économies pour ses études d’avocat à la place de son frère aîné mort de tuberculose et qui à la différence de la dynastie Kennedy a tout gagné au mérite et à l’Américaine, avait un charisme et une dimension shakespearienne à sa façon, dans le registre Iago certes, mais sa présidence fut plus positive que celle de Kennedy, ayant acté la fin de la Guerre Froide en anticommuniste qui sut tendre la main à la Chine de Mao (et ce fut assez frappant pour susciter l’opéra de John Adams en 1987, Nixon in China), le tout main dans la main avec un intellectuel comme Henry Kissinger que Nixon nomma et ne lâcha jamais, jusqu’à n’écouter que lui lorsque celui-ci lui conseille de démissionner après avoir saigné de tous ses flancs un an et demi dans l’arène du Watergate. Cela inspirera d’ailleurs encore un autre grand artiste, Robert Altman qui, dans Secret Honor (1984), filme un extraordinaire one-man-show de la dernière nuit de Nixon dans le Bureau ovale avant sa retentissante démission sous les coups de boutoir de ce qu’on appelle, depuis, le Quatrième pouvoir, la presse. L’art du relief qu’a Oliver Stone se retrouve, avec plus d’inventivité et d’expansion esthétique, dans la série que le romancier James Ellroy a consacrée aux présidents Kennedy, Johnson, Nixon  : James Ellroy a su mettre de côté ses opinions politiques, pas particulièrement subtiles en effet, pour se faire le bad boy dostoïveskien de cette geste politique américaine.

Oliver Stone, à la fin de JFK, l’enquête, tombe dans son généreux travers de sentimentalisme musclé. Non, Kennedy n’a pas été un si grand président, assurément moins que ses successeurs Johnson et Nixon ; mais, si l’on peut dire, il a eu une mort. Dont l’historien Alan Brinkley fait observer qu’« elle est probablement plus puissante que les années qu’il a vécues. » L’assassinat de Lincoln, lui, quatre mois après qu’il a aboli l’esclavage, a signé cette libération en rendant impossible de revenir dessus. La mort fait partie de l’œuvre de chacun.

Jean-Philippe Domecq

Réalisation : Oliver STONE

Produit par Robert S. WILSON

Scénario/Dialogues : James DIEUGENIO 

D’après son livre Destiny Betrayed: JFK, Cuba, and the Garrison Case 

Le documentaire « JFK l’enquête » sera diffusé le dimanche 12 décembre à 20h40 sur OCS Max et disponible sur OCS à la demande à cette date. A noter que le film JFK d’Oliver Stone (1991) sera également proposé lors de ce « Week-end Kennedy », sur OCS Max (Samedi 11/12 à 20:40 en l’occurrence)